Encyclopédie 1901 du Cantal
DESCRIPTION PHYSIQUE ET GÉOGRAPHIQUE
Chef-lieu : AURILLAC - Sous-préfectures : MAURIAC, MURAT, SAINT-FLOUR
4 Arrondissements, 23 Cantons, 267 Communes
Population : 230 511 habitants
Superficie : 574 033 hectares
Situation
Le département du Cantal tire son nom du massif principal des montagnes qui le couvrent et dont le Plomb du Cantal est le point culminant. Département de la région centrale de la France, il est situé en grande partie dans le bassin de la Garonne et un peu dans celui de la Loire. Ce département a été formé, en 1790, de la partie de l'ancienne province d'Auvergne connue sous le nom de Haute-Auvergne. Il est borné, au Nord, par les départements de la Corrèze, de la Haute-Loire et du Puy-de-Dôme; à l'Est, par ceux de la Haute-Loire et de la Lozère, au Sud, par ceux de la Lozère, de l'Aveyron et du Lot; à l'Ouest, par ceux du Lot et de la Corrèze.
Nature du sol
Le département du Cantal est un pays entièrement âpre et montagneux, occupé par le Massif volcanique du Cantal et par ses contreforts. Le Cantal fait partie dans le Massif Central d'une région nettement distincte, la région des anciens volcans; il y occupe une place à part par son originalité. Il est formé tout entier par les débris d'un volcan éteint, d'une immense superficie, puisqu'elle dépasse celle de l'Etna, un des plus grands volcans actuels; son diamètre est de 60 kilomètres; son point culminant atteint 1858 mètres, mais le point le plus élevé du massif primitif devait être infiniment plus haut : il était situé vraisemblablement au centre géographique du massif. Celui-ci affecte en effet la forme d'un cercle presque parfait; les pentes à partir de la périphérie, s'élèvent lentement en convergeant vers le centre; mais elles ne vont pas jusqu'à lui; le Cantal est, comme on l'a dit, découronné : il est occupé en son milieu par un immense cirque qui était autrefois occupé par les cratères.
Ceux-ci sont groupés dans un rayon de moins de 12 kilomètres, réunissant un des plus beaux ensembles montagneux de la France; le plus élevé est le Plomb du Cantal (1838 m.); la cime en est formée par une butte basaltique arrondie, nue, décharnée, couverte de neige pendant l'hiver, comme les montagnes qui l'entourent; elle doit son élévation à la roche qui la compose : le basalte, en effet, est extrêmement dur, il a pu résister aux causes de destruction; il doit son nom à sa forme arrondie : c'est une confusion de mots, comme l'a démontré un de nos plus savants érudits, M. Antoine Thomas, qui a substitué le mot dénué de sens de Plomb à celui si exact et si significatif de pom, c'est-à-dire de pomme, qui se rencontre dans d'anciens textes. Il faut citer, à côté du Plomb du Cantal, le Puy Mary 1787 mètres; le Puy Chavaroche ou l'Homme-de-Pierre, 1744 mètres; le Puy Violent 1594 mètres; le Puy Griou 1694 mètres, situé au centre; le Puy du Peyroux, 1686 mètres, le Puy Gros, 1599 mètres; le Lioran ou Puy de Mussabiau, 1420 mètres. Les flancs du Massif sont découpés par des vallées profondes, qui divergent, avec une régularité frappante, à partir du centre, comme les rayons d'une roue ; rapprochées vers leurs sources, elles ouvrent des passages faciles, notamment deux d'entre elles, la Cère et l'Alagnon, qui ont fourni passage à la voie ferrée d'Aurillac à Glermont-Ferrand, à 1159 mètres d'altitude, par le tunnel du Lioran, à la route d'Aurillac à Murat, par un autre tunnel, à 1180 mètres. Il faut citer aussi les vallées de la Jordanne, de la Doire, de la Rhue. Très larges dans les terrains volcaniques, toutes se resserrent dès qu'elles en sortent. Entre elles sont des plateaux froids. Celui de l'Est, formé de basaltes, est rude et sec, mais non pas stérile : le seigle y réussit bien. C'est ce qu'on appelle le plateau de la Planèze, dont le marché est Saint-Flour. A l'Ouest, au contraire,le pays est bien arrosé; la ressource la plus importante est l'élevage des bêtes à cornes, de la race de Salers, bien connue pour sa résistance au dur climat de ces montagnes; le principal marché est la petite ville de Salers. Les forêts de chênes et de châtaigniers alternent avec les pâturages. Le Cantal est rattaché au Massif des monts Lozère par la chaîne des monts de la Margeride; la chaîne du Cézallier, 1515 mètres au point culminant, l'unit au Mont-Dore.
Cours d'eau
Les montagnes déterminent dans le département du Cantal deux pentes générales d'inégale étendue; l'une, au Nord et à l'Est, sur le Bassin de la Loire; l'autre à l'Ouest et au Sud, sur celui de la Garonne. De nombreux cours d'eau, dont aucun n'est navigable, arrosent ces deux versants. L'Alagnon, que grossissent l'Arcueil, l'Allanche et la Sionne, appartient au Bassin de la Loire, ainsi que d'autres rivières secondaires qui sont, comme l'Alagnon, des affluents de l'Allier. Le versant opposé a pour cours d'eau principaux : la Trueyre, le Gout et la Celle, affluents du Lot; la Cère, la Maronne, l'Auzé, la Sumène et la Rue, tributaires de la Dordogne. La Dordogne elle-même limite le département au Nord-Ouest, du côté du département de la Corrèze, sur une étendue de 44 kilomètres environ. L'Alagnon prend sa source au Puy-du-Griou, passe à Murat, Saint-Mary-le-Gros, Molompize, Massiac, et entre dans le département de la Haute-Loire pour se jeter dans l'Allier, entre Brioude et Issoire, après un cours d'environ 64 kilomètres, la trop grande rapidité de cette rivière s'oppose à ce qu'elle soit navigable.
La Trueyre descend des montagnes du Gévaudan, non loin du village de Saint-Amans, arrondissement de Mende, département de la Lozère; elle entre dans le département du Cantal près de Loubaresse, passe à Chaliers, reçoit la Lende près de Vedrines, puis la Bex près de Mallet, arrose Larrus, LaTailhade, Sainte-Marie, Fontanes, et entre dans le département de l'Aveyron pour aller joindre le Lot, au-dessous d'Entraigues, après un cours d'environ 160 kilomètres. La Cère naît au pied du Puy-Gros, non loin du Plomb du Cantal, passe à Thiézac, Vic, Polminhac,Yolet, Arpajon, Sansac-Marmesse, Lacapelle-Viescamp, Saint-Etienne, Laroquebrou, entre dans le département et atteint la Dordogne, au-dessous de Girac du Lot, après un cours d'environ 100 kilomètres. La Maronne a son origine près du village de Récusset, au Puy-Mary, passe à Salers Saint-Remy, Sainte-Eulalie, Saint-Martin-Cantalès, et se jette dans la Dordogne, au-dessous d'Argental, département de la Corrèze, après un cours d'environ 70 kilomètres. Toutes ces rivières, rapides, torrentueuses, ont souvent un lit profondément encaissé; elles tombent de cascade en cascade et roulent bruyamment leurs eaux à travers les roches qui entravent leur lit. La plus remarquable de ces cascades est le Saut de la Saule, formé par la rivière de la Rue, dans un, site sauvage, à Saint-Thomas, à peu de distance de son confluent dans la Dordogne. De toutes parts, des monticules d'un gneiss porphyrique montrent des pointes décharnées et des cimes arides. De temps en temps, il s'en détache de grandes écailles, dont les débris recouvrent complètement leur base. Plusieurs de ces monticules portent quelques taillis maigres et des arbres rabougris. C'est à travers cette multitude de buttes qu'on parvient à la belle Cascade. Resserrées entre les rochers les eaux de la Rue rencontrent dans leur cours un mur de gneiss long de plusieurs centaines de pas; comme leur encaissement les empêche de s'épandre d'aucun côté ou de tourner le rocher, elles l'ont franchi dans ses parties les plus basses, et, malgré la dureté du roc, elles s'y sont creusé un passage pour faire une chute de 7 à 10 mètres; c'est ce qu'on appelle le Saut de la Saule. Etranglée dans ce canal étroit, la Rue, naturellement rapide, se précipite avec une telle impétuosité, qu'à plus de cinquante pas de distance du Saut, on sent la brume causée par le choc des eaux contre les pointes saillantes du rocher, dont le fracas devient étourdissant.
Au-dessous de la Cataracte, la Rue, dont le lit est très profond, tourbillonne au milieu des saillies des roche qui l'arrêtent. Plus loin le lit s'élargit; cependant le courant, quoique beaucoup plus libre, continue de tourbillonner très rapidement et de se couvrir de d'écume. Dans les crues, une partie des eaux s'écoule par une seconde ouverture plus élevé et plus large que la première; ce canal suit alors la pente du rocher. Il n'y a pas de lacs dans le département, mais on trouve quelques amas d'eau au fond des cratères des anciens volcans.
Climat
Le département du Cantal fait partie de la région climatoriale dite du Sud-Ouest ou du climat girondin; l'arrondissement d'Aurillac a le climat le plus doux et le plus humide; celui de l'arrondissement de Mauriac est humide et froid ; le climat est froid et sec dans les arrondissements de Murat et de Saint-Flour. Dans la partie centrale du département, qui appartient aux quatre arrondissements, et qui forme ce que l'on appelle le Pays des Montagnes; le froid est très vif, Ia neige dure pendant six mois, et il gèle dans presque tous les mois de l'année. Le maximum du froid peut être évalué à 15° au-dessous de zéro, et celui de la chaleur à 24° au-dessus. En hiver, éclatent des ouragans redoutables, nommés écirs ; les plus dangereux sont les écirs neigeux, qui ont la violence des trombes, poussent la neige devant eux, comblent et engloutissent les habitations. Les vents suivent généralement la direction des vallées. Les Auvergnats appellent le vent d'Est, vent de nuit; le vent d'Ouest, vent solaire; le vent de Nord-Est, bise.
Voies de communication
Le département du Cantal est traversé par 7344 kilomètres de routes et de chemins, dont 382 de routes nationales.
Les chemins de fer appartiennent au réseau d'Orléans et à celui du Midi. La ligne principale va de Figeac à Arvant, joignant ainsi la ligne de Paris-Limoges-Toulouse à celle de Paris-Nevers-Clermont-Nîmes; elle pénètre dans le département un peu avant Maurs, passe par Maurs, Lacapelle-Viescamp, Aurillac (555 Kilomètres de Paris), Vic-sur-Cère, Le Lioran, Murat, Neussargues et Massiac. Cette ligne passe du Bassin de la Garonne dans celui de la Loire par le magnifique Tunnel du Lioran, qui a 1956 mètres de longueur; son parcours est de 136 kilomètres dans le département du Cantal. De la station de Viescamp se détache une ligne qui gagne Bordeaux par Souillac, Bergerac et Libourne : cette ligne passe à Miécaze, à Laroquebrou, puis entre dans le département du Lot, après un parcours de 14 kilomètres dans celui du Cantal. De Miécaze un embranchement gagne Eygurande par Mauriac et Saignes, son trajet dans le département est de 85 kilomètres. Le réseau du Midi possède dans ce département une ligne qui part de Neussargues et se dirige sur Béziers par Saint-Flour, Ruines, Garabit, Loubaresse, puis entre dans le département de la Lozère après un parcours de 42 kilomètres dans celui du Cantal.
Cette ligne franchit la Vallée de la Trueyre sur le Pont de Garabit, le plus important, le plus hardi des ouvrages de ce genre exécutés jusqu'ici en Europe. Sa longueur est de 565 mètres ; l'ouverture du grand arc, de 165 mètres, l'élévation des rails au-dessus de l'eau, de 124 mètres : cinq colonnes en fonte, de diverses hauteurs, supportent le tablier. La longueur des voies ferrées en exploitation dans le département du Cantal est de 277 kilomètres. Il y a 38 gares, stations et haltes.
Agriculture, Industrie, Commerce
Le département du Cantal, formé par des terrains primitifs, appartient à la région naturelle dite du Plateau Central. C'est un pays de montagnes, de plateaux et de profondes vallées; les montagnes sont constituées par des massifs élevés, coniques, arrondis, et par des buttes volcaniques; les laves couvrent les pentes et les plateaux; au fond des vallées seulement, on rencontre un sol argilo-sableux et un peu d'alluvion. C'est un pays presque exclusivement agricole ; cependant la rigueur du climat ne permet pas à la culture céréale de prendre un grand essor, et à peine le tiers du sol y est-il labouré. Les terres labourables sont, en général, très légères, peu profondes et communément pierreuses; les terres fortes, en très petit nombre, occupent surtout le centre du département. Le froment est particulièrement cultivé dans la Planèze, entre Murat et Saint-Flour; cette plaine, qui n'a pas plus de 20 kilomètres d'étendue, peut être considérée comme le grenier du Cantal.
La production en froment et en avoine ne suffit pas à la consommation des habitants; les récoltes principales comportent le seigle, le sarrazin, les pommes de terre, et surtout les châtaignes; viennent ensuite le chanvre et le lin. Dans quelques cantons, et notamment dans celui de Monsalvy, on cultive les pois et les lentilles ; dans d'autres, on récolte de bons fruits, notamment des pommes de reinette. La culture de la vigne est circonscrite dans quelques communes des arrondissements d'Aurillac et de Saint-Flour; elle donne des vins plats, très chargés en couleur et de difficile digestion. Le cidre est la boisson ordinaire des habitants. Sur les montagnes on cueille des plantes médicinales et tinctoriales en grand nombre ; la flore du Cantal, qui est très riche, offre, à la fois, les espèces et les genres des Alpes et celles des Pyrénées. Les hautes montagnes couvertes de neige pendant six mois sur douze forment la vraie richesse du pays; leurs excellents pâturages nourrissent et engraissent une grande quantité de bestiaux et de troupeaux transhumants, et c'est dans les burons ou chalets qui les couvrent que se fabriquent les fromages connus sous le nom de fromages d'Auvergne.
Les forêts étaient autrefois plus étendues; les principales sont aujourd'hui celles de Combret, de Sinig, du Lioran, d'Algères, de Marmiesse, de Margeride, de Montvert, de Chalvignac, de Trémouille et de Mauriac; elles fournissent des bois à l'exportation; on y trouve surtout les conifères, le chêne, le hêtre et le bouleau.
Les animaux de ferme sont de petite taille. On nourrit et l'on engraisse un nombre considérable de bestiaux, qui se vendent dans toute la France; ceux de Salers tiennent le premier rang par leur vigueur. On élève aussi des chevaux et des mulets nerveux et durs à la fatigue. La race des bêtes à laine, qui compte des mérinos et des métis, est généralement assez belle. La volaille pullule dans les basses-cours; on l'engraisse et l'on en fait des salaisons pour l'hiver. L'élevage des abeilles se développe. La Ferme régionale d'agriculture de Saint-Angeau est consacrée à l'amélioration du bétail et de ses produits pour la région des montagnes du centre de la France. Le département renferme une grande quantité de gibier, beaucoup d'animaux sauvages, tels que sangliers, loups, renards, fouines et belettes. Le saumon et la truite abondent dans les rivières, ainsi que l'ombre-chevalier. Les parties élevés du pays servent d'asile à de nombreux oiseaux de proie.
Les minéraux que l'on trouve dans le Cantal sont : le cuivre, le fer, l'argile, le plomb, les pyrites, le soufre, l'alun, l'antimoine, le cristal, la houille, la tourbe, la pierre à chaux, le basalte, le granit, le schiste, le porphyre et l'argile noire. La houille, la tourbe, le granit et le plomb argentifère sont au premier rang de l'exploitation. Selon les anciens historiens du pays, la Jordanne routait des paillettes d'or. Il y a de nombreuses sources d'eaux minérales dans ce département; les plus fréquentées sont celles de Chaudesaigues, Condat, Marcenat, Cheylade, Jaleyrac, Vie, Saint-Martin-Valmeroux, Mandailles, Teissières-les-Bouliès, Aurillac, Sainte-Marie. Ces eaux sont plus ou moins chaudes, froides, tempérées, alcalines, ferrugineuses, gazeuses, acidulées.
L'industrie manufacturière ne comprend que quelques tanneries, parchemineries, fabriques de colle forte, chaudronneries, boisselleries, papeteries et verreries; le tissage d'étoffes communes de laine et de toiles de chanvre; la fabrication de dentelles grossières; l'exploitation des bois pour l'exportation.
Les chevaux, le bétail et les moutons, les châtaignes, les cuirs, le parchemin et les peaux de chèvre, les fromages, les planches de sapin et le merrain de chêne, les toiles de chanvre et la colle forte sont les grands articles de l'exportation. Les chevaux, les mulets, les bestiaux, les bêtes à laine, les porcs, les fromages, la cire, les châtaignes, le lin, le chanvre, alimentent principalement le commerce dans les foires. Un grand nombre d'habitants émigrent annuellement pour aller dans les grandes villes de France, surtout à Paris et même à l'étranger, exercer les métiers les plus pénibles et les plus modestes.
Organisation et divisions générales
Le département du Cantal a pour chef-lieu : Aurillac, qui en est la préfecture, et pour sous-préfectures, Mauriac, Murat et Saint-Flour. Il comprend 4 arrondissements, 23 cantons, 267 communes. Il s'y trouve 1 conseil de préfecture, 1 conseil général, 4 conseils d'arrondissement, et 267 conseils municipaux, 4 circonscriptions électorales. La représentation législative compte 2 sénateurs et 4 députés.
Ce département forme la 4ème subdivision régionale du 13ème corps d'armée, dont le quartier général est à Clermont-Ferrand ; le 4ème bureau de recrutement, de mobilisation et de réquisition de la 13ème région de corps d'armée est à Aurillac. Dans cette ville réside l'état-major de la 50ème brigade d'infanterie. Le 139ème régiment actif y tient garnison; le 100ème régiment territorial d'infanterie s'y formerait, en cas de guerre. Aurillac possède encore 1 sous-intendance, 1 hôpital mixte, 1 dépôt de remonte.
C'est enfin là que se trouve le commandement de la compagnie de gendarmerie départementale qui appartient à la 13ème région, commandement à Clermont-Ferrand.
Le département du Cantal fait partie de l'Académie Universitaire de Clermont; constitue le diocèse de l'évêché de Saint-Flour, suffragant de l'archevêché de Bourges; ressortit à la cour d'appel de Riom.
Il est compris dans la 8ème région agricole, région du Sud; dans l'inspection générale minéralogique du Centre, arrondissement et sous-arrondissement de Clermont-Ferrand; la 15ème inspection générale des ponts et chaussées; la 28ème conservation des forêts, résidence à Aurillac; comprenant les départements du Cantal, de l'Aveyron, de la Haute-Loire et du Lot ; le 5ème arrondissement des haras, résidence à Montpellier, dépôt d'Aurillac pour les départements du Cantal, de la Haute-Loire et du Puy-de-Dôme; la 5ème inspection de l'enseignement industriel; la 3ème inspection de I'enseignement commercial; la 9ème circonscription, 3ème section de l'inspection du travail dans l'industrie ; la 4ème circonscription de vérification des poids et mesures, résidence à Bordeaux; la 24ème direction pénitentiaire, résidence à Rodez.
Ce département possède une trésorerie générale des finances; des directions : des postes et télégraphies; des contributions directes; des contributions indirectes; de l'enregistrement; dès domaines et du timbre; une succursale de la Banque de France.
Histoire du département
C'est de la Haute-Auvergne qu'a été formé le département du Cantal. La montagne volcanique du Plomb du Cantal, très connue des anciens, s'appelait Mons Celtarum, Mont des Celtes; elle est, en effet, située dans la Gaule celtique. On croit que la Via Celtica de la Table de Peutinger passait près du Plomb. Ce qui est certain, ce que ce pays, comme toute l'Arvernie dont il faisait partie, était, avant la conquête romaine, habité par l'un des plus anciens, des plus puissants et des plus célèbres peuples de la Gaule.
Les Arvernes ont fait des expéditions au delà des Alpes et lutté contre Rome; joints aux Allobroges, ils s'opposèrent longtemps au progrès de ses armes conquérantes; mais enfin vaincus par César à Alésia, ils se soumirent et restèrent fidèles aux Romains, qui leur laissèrent leurs lois et leurs libertés. Du temps de Pline et de Ptolémée, ils étaient encore liberi, peuple libre. Rome fonda chez eux des colonies et les fit participer aux bienfaits de sa civilisation.
II y a, dans la Haute-Auvergne, notamment dans le canton de Saignes, de nombreux vestiges du long séjour qu'y firent les Romains.
Ce pays, déjà converti au Christianisme par saint Mamet et saint Mary, faisait alors partie de la Première Aquitaine; des présidents et des comtes le gouvernaient. Vers l'an 475, les Wisigoths envahirent l'Auvergne et s'en rendirent maîtres. Mais, en 507, Clovis parvint à les en chasser. ll la donna en 511, à Thierry, son fils aîné, roi de Metz. Pendant les guerres domestiques des fils de Clovis, elle passa de Thierry à son frère Childebert ; mais Thierry ne tarda pas à la reprendre.
Après les Francs, vinrent d'abord les Saxons, puis, en 751, les Sarrasins, qui la pillèrent et la ravagèrent. "Des ruisseaux, dans l'arrondissement de Mauriac, dit un historien du Cantal, portent encore leur nom, et la tradition rapporte que les eaux furent teintes du sang de ces barbares. " A peine délivrée des Sarrasins, la Haute-Auvergne se vit disputée par les armes de Pépin et celles de Waïffer, duc d'Aquitaine. Pépin s'empara du Château de Tournemire (767).
De 851 à 925, les Normands parurent cinq fois dans ce pays, d'où le comte d'Auvergne les éloigna.
Après diverses vicissitudes, la province fut enfin réunie à la Couronne en 1213, par Philippe-Auguste.
Cependant vers 1357, les Anglais portèrent la guerre en Auvergne et prirent plusieurs châteaux; mais partout les habitants leur firent la chasse.
Chaplain, dans son poème de la Pucelle d'Orléans, énumère le nombre des enfants d'Aurillac, de Saint-Flour, de Murat et de Carlat, qui prirent part à cette lutte mémorable contre l'étranger. Après avoir parlé du contingent fourni par la Basse-Auvergne, il ajoute en assez mauvais vers :
A ceux-ci l'on voit joints deux cents hommes d'élite Vieux guerriers qu'aux périls la belle gloire invite, Nourrissons d'Aurillac, où dans ce siècle encore, Le fond d'un lac séché brille de veines d'or. Même nombre leur joint Saint-Flour, montagne nue Qui n'a, pour y gravir, qu'une roide avenue.
Même nombre leur joint et Murat et Carlat, Et tous sont à l'envi désireux du combat. Cantal, le mont neigeux, cette Alpe de la France, pour assister son roi découvre sa puissance, Et joint seul aux premiers trois fois cent montagnards, Grands coureurs, grands lutteurs et grands lanceurs de dards.
Après la guerre, Charles VII vint remercier les habitants de la Haute-Auvergne de leur patriotique assistance. A Aurillac, comme à Saint-Flour, les magistrats lui firent présent de douze tasses d'argent (1437).
Mais les Anglais avaient engendré les Grandes Compagnies. Aimerigot Marcel de Tournemire, dit le roi des pillards, parut dans la Haute-Auvergne à la tête de l'une de ces bandes, et s'empara du Château de Carlat, qu'il vendit aux Anglais. Cependant, une trêve ayant été conclue entre la France et l'Angleterre, Aimerigot jura, sous peine de la vie, de l'observer. Vain serment : il ne tarda pas à recommencer ses ravages; les habitants effrayés recoururent au roi, qui leur envoya Robert de Béthune, vicomte de Meaux, avec une armée de 400 lances et 120 arbalétriers. Aimerigot s'était retranché dans le Château de la Roche-Vandeix; Robert essaya de l'en débusquer. Ne se sentant pas assez fort pour résister, Aimerigot laisse le commandement de la Forteresse à Cuiot d'Ussel,son oncle, et en sort secrètement pour aller demander du secours aux Anglais. A son retour, Robert de Béthune était maître de la place.
Quant à lui, ne sachant où se réfugier, "en ses plus grandes tribulations, il s'auisa, dit Froissart, qu'il auoit en Auuergne vn sien cousin germain, escuyer et gentilhomme, lequel on nommoit lean Tournemine (Froissart écrit Tournemine pour Tournemire), et qu'il iroit devers luy : et prendroit conseil de luy. Si comme il deuisa, il fit. Il s'en vint, luy et son page seulement chez ce Tournemine, et entra au chastel. Il cuida trop bien estre arriué pour cause de lignage : mais non fut. Car celuy escuyer, nommé Tournemine, n'estoit pas bien en la grâce du duc de Berry; mais le hayoit moult fort,et bien le sauoit l'escuyer; dont en estoit plus douteux. Si s'auisa, quand il veit venir en son hostel son cousin Aimerigot, qu'il le prendroit, et retiendroit : ne iamais de là partir ne le lairroit, et sa prise signifieroit au duc de Berry : en lui remontrant que, s'il luy vouloit remettre son mal talent, il lui enuoyrait Aimerigot Marcel, et puis en fist ce qu'il voudroit. Tout ainsi comme il le proposa il fit; car quand Aimerigot fut venu dedans le chastel de Tournemine à son cousin, et il eut mis son épe ius, et on luy eut baillé chambre pour soi appareiller, et il fut reuestu et mis à point, il demanda aux varlets : - Où est mon cousin Tournemine? car encore ne l'auoit-il point veu. - II est en sa chambre, répondirent les varlets, venez l'y voir. - Volontiers, répondit Aimerigot. - Ceux le menèrent tout droit où Tournemine estoit. Quand il fut venu iusques à luy, Aimerigot le salua, qui nul mal n'y pensoit.
Tournemine respondit : -Comment, Aimerigot, qui vous a mandé et vous a fait venir céans? Vous me voulez bien déshonorer. le vous pren et arreste pour prisonnier. Autrement ie ne m'acquiteroye pas bien enuers la couronne de France et monseigneur de Berry, car vous estes faux et traistre, qui auez les treues enfreintes et brisées. Si le vous faut comparoir, et pour la cause de vous monseigneur de Berry me hait et traite à mort, mais ie vous y rendray mort ou vif, ne iamais d'ici ne saudrez. - De ces paroles fut Aimerigot tout esbahy, et respondit : Comment Tournemine, ie suis vostre cousin; est-ce tout à certes ce que vous me dites? le faites-vous pour moy essayer? le suis venu ici en grand'fiance, pour vous veoir et remonstrer mes besongnes : et vous me faites si creuse chère et me dites parolles si dures. - Je ne sçay (dit Tournemine) que vous voulez dire ne proposer: mais ce que ie vous ai dit ie vous le tiendray. -Tournemine ne se voulut souffrir, que des deux iambes, il ne le fist mettre en vns fers tresfort, et dedans une tour forte et bien fermée, et bonnes gardes sur luy. " Après quoi, il en écrivit au duc de Berry à Paris. " A ceste nouvelle, ajoute le vieux chroniqueur, le duc commença à sousrir, et à dire à ses cheualiers qui estoient près de lui : Aimerigot Marcel est attrapé. Son cousin germain Tournemine (comme il m'escrit) le tient en prison. - Monseigneur, respondirent les cheualiers, ce sont bonnes nouuelles pour le pays d'Auuergne et de Limosin, car en Aimerigot ils ont eu longtemps vn mauuais voisin.
Il a tant fait de mal, que si vous voulez il passera parmi le gibet, n'autre pardon ne rançon il ne deuroit avoir. - Depuis ne demeura gueres de temps, que le seneschal d'Auuergne, par une commission qu'il eut de monseigneur de Berry, s'en vint au chastel de Tournemine : et là luy fut déliuré Aimerigot Marcel qui fut tout esbahy, quand il se trouua en la compaignie de ses ennemis. Que vous feroie-ie long record ? Le seneschal l'emmena en la compagnie de gens d'armes, tout parmi le pays, et passèrent Seine et Marne, au pont de Charenton : et de là ils vindrent au chastel Saint-Anthoine (la Bastille)... On ne l'y garda gueres longuement, quand il fut rendu et déliuré au preuost du Chastelet de Paris, et amené en Chastelet. Bien est vérité qu'il offroit pour sa rançon soixante mille francs, mais nul n'y vouloit entendre; on lui respondy que le roy estoit riche assez : et que de son argent il n'en auoit que faire. Depuis qu'Aimerigot Marcel fut rendu au preuost du Chastelet, il n'en fist pas longuement garde. Il fut iugé à mourir honteusement, comme un traistre à la couronne de France. Si fut mené vn iour en une charrette, en une place qu'on dit aux halles : et là tourné au pilori, plusieurs fois depuis on lisit tous ses forfaits, pour lesquels il receuoit la mort.... Il fut là exécuté. On luy trancha la teste : et puis fut écartelé... " Cet événement mit fin au pillage des Anglais dans la Haute-Auvergne.
Par suite d'un traité passé en 1387 entre le comte d'Armagnac et les trois États d'Auvergne, du Velay et du Gévaudan, à l'effet de jeter les capitaines anglais hors des places qu'ils occupaient dans le pays, le comte avait pris possession du Château de Carlat. C'est là que Jacques d'Armagnac, duc de Nemours, engagé dans la Ligue du Bien public, soutint, en 1469, contre les troupes de Louis XI, un siège de dix-huit mois. Cependant le roi lui avait déjà fait grâce, après que Nemours lui eut juré solennellement fidélité sur la croix de Saint-Lô. Voyant qu'il ne cessait de conspirer, Louis XI ordonna au duc de Beaujeu de l'arrêter dans son Château de Carlat. Nemours s'y détenait vigoureusement; mais, sur la proposition d'un envoyé du duc de Beaujeu, qui lui promit, " sur la foi et conscience du roi Très Chrétien ", qu'il ne lui serait rien fait, il se rendit. Ce n'était qu'un piège. Conduit prisonnier à la Forteresse de Pierre-en-Scize, à Lyon, et de là à Paris, à la Bastille, où on l'enferma dans une cage de fer, il fut, contre la foi des traités, et malgré son nom, sa qualité et l'illustration de sa race, déclaré criminel de lèse-majesté et condamné à être décapité.
Au XVIème siècle, la Haute-Auvergne eut à souffrir des guerres civiles et religieuses. A peine rendue à la tranquillité par l'avènement de Henri IV, elle fut de nouveau troublée par les déprédations des seigneurs féodaux, que Louis XIV fit châtier, en 1665, pendant les Grands Jours tenus en Auvergne.
Depuis ce temps jusqu'à nos jours, ce pays n'a pas cessé de jouir du repos. Mais il n'a pu encore se refaire de la perte de ses forêts, qui couvraient alors ses montagnes; dès qu'elles eurent disparu, les vents boréens, ne trouvant aucune résistance, portèrent leur souffle glacé dans cette contrée et la dépeuplèrent. Aussi n'est-elle plus habitée qu'à certains points très éloignés les uns des autres. " Si, à quelques égards, dit Bouillet, la Haute Auvergne est dépourvue de richesses dont jouissent d'autres contrées, l'oil, cependant, y est rarement attristé par le spectacle de la misère. L'émigration, que chez des peuples voisins la nécessité commande impérieusement et rend souvent perpétuelle, se renouvelle ici tous les ans. Une partie des habitants va porter dans d'autres départements et même à l'étranger son travail et son industrie, et les bénéfices obtenus par ces déplacements assurent l'existence de nombreuses familles et sont souvent l'origine de grandes fortunes.
Ces émigrations offrent encore d'autres avantages aux individus qui s'y livrent; leur fréquentation avec les peuples d'autres provinces, avec les habitants des villes surtout, a pour effet d'adoucir leurs mours et de développer leur intelligence naturelle, mais peut-être aussi, il faut bien le dire, quelques-uns d'entre eux rapportent dans leur village des vices qui y étaient ignorés. "
A quelle époque commença dans la Haute-Auvergne ce système d'émigration ? C'est ce qu'il est impossible de déterminer. " Peut-être, dit de Laforce, date-t-il des premiers temps où les montagnes furent habitées. On ne saurait douter qu'il ne remonte à une époque fort reculée, puisqu'on voit dans l'histoire que les Arvernes étaient dans l'habitude d'aller faire le commerce en Espagne, où ils se rendaient par troupes et sans chefs. Quoi qu'il en soit, le climat et le besoin en furent certainement la première cause déterminante. Le froid rigoureux qui règne dans ces hautes contrées y suspendait, comme aujourd'hui, toute occupation pendant plus de la moitié de l'année; leur sol, peu susceptible de culture et, d'ailleurs, couvert dans l'origine d'immenses forêts, était loin de pouvoir fournir l'alimentation nécessaire à ses habitants ; ils durent le quitter pour aller chercher sous un ciel plus doux du travail et du pain. Ces premiers émigrants, simples et laborieux, se chargèrent des travaux les plus pénibles et se contentèrent des salaires les plus modestes.
Partis après les semailles d'automne, ils ne manquaient jamais de revenir au printemps pour porter à leurs familles le fruit de leur industrie et partager leurs occupations agricoles. Mais bientôt les communications extérieures et les voyages agrandirent le cercle de leurs idées; d'ouvriers ils devinrent commerçants, et les fers, les cuivres, les indiennes, les quincailleries devinrent pour eux l'objet d'un négoce. Dès lors ils recherchèrent les grands centres de population ; les uns se dirigèrent vers Paris et Bordeaux, et les autres vers la Normandie, la Flandre, la Picardie, la Belgique, la Hollande et la Suisse; quelques-uns passèrent en Espagne et y fondèrent des établissements qui ne tardèrent pas à prendre un développement considérable. " Quatre cents Auvergnats des arrondissements d'Aurillac et de Mauriac formèrent deux sociétés, dont les principaux entrepôts étaient établis dans les deux villes de Chinchon et Naval-Carneros, et qui en avaient de secondaires dans les autres villes d'Espagne. Ces sociétés furent d'abord composées de compatriotes, et ensuite exclusivement de fils et de gendres de sociétaires qui, pour y être admis, devaient faire une première mise de fonds de quatre mille francs. Elles reconnaissaient quatre chefs, qui n'étaient que les premiers parmi les égaux, mais qui commandaient et étaient, à cause de leur âge et de leur expérience, chargés des achats et de la correspondance.
D'après leurs statuts, chaque associé, à tour de rôle, devait passer deux ans en Espagne et deux ans en France; mais il était tenu de fournir une première campagne de sept ans. L'époque du départ avait été successivement fixée en novembre, puis en septembre; celle de la rentrée en mars. " Ces compagnies avaient conquis un crédit immense par leur exactitude à tenir leurs engagements et faisaient des affaires avec toute l'Europe. Elles étaient en pleine prospérité, lorsque les révolutions d'Espagne vinrent tout à coup les anéantir. A cette époque de triste mémoire, leurs magasins furent pillés et leurs associés dispersés ou massacrés; elles ne se sont plus reformées depuis." " Les émigrants du Cantal ne s'associent plus aujourd'hui avec cet ensemble et cette intelligence; presque tous même n'opèrent qu'isolément dans les genres d'industrie où les portent leurs instincts. " " Il est presque impossible de donner le chiffre exact de cette population voyageuse, parce qu'il est incessamment variable et va toujours croissant. ll est probable qu'il s'élève en ce moment à dix mille individus au moins, dont neuf mille cinq cents émigrants à l'intérieur et cinq cents hors de France. Les premiers partent isolément ou par petits groupes et en se faisant suivre d'apprentis, qui n'obtiennent de rétribution qu'après trois ou quatre années de travail gratuit; les seconds partent par troupes à l'étranger et surtout en Espagne, où ils exercent toutes sortes de professions."
L'arrondissement d'Aurillac donne des porteurs d'eau, commissionnaires, savetiers, chaudronniers, fondeurs d'étain, portefaix, marchands de parapluies, de bestiaux et de fromages; celui de Saint-Flour fournit des scieurs de long, pionniers, maçons, merciers, colporteurs, bergers, portefaix, commissionnaires, chaudronniers, ferblantiers, lanterniers et porteurs d'eau; de celui de Mauriac partent des marchands de parapluies, cordonniers, boisseliers, terrassiers, quincailliers, merciers et chaudronniers; celui de Murat, enfin, envoie au dehors des commissionnaires, porteurs d'eau, marchands de parapluies, colporteurs, merciers, chaudronniers et fondeurs d'étain.
On s'occupe activement du reboisement des pentes dénudées du département; cette opération peut exercer plus tard une influence réelle sur les conditions climatologiques de ce département, et, par suite, sur les coutumes de ses habitants. La population de ce département s'accroît, d'ailleurs, d'une petite quantité, il est vrai, mais progressivement et régulièrement.